Prix de revente imposés sur internet et interdiction de revente sur plateformes tierces (Actualité Distribution / Concurrence, Dec. 2020)

La décision rendue le 3 décembre 2020 par l’Autorité de la concurrence condamnant Dammann Frères, fabricant de thés premium, à hauteur de 226 000 € pour avoir imposé à ses distributeurs des prix de revente minima en ligne, est remarquable à double titre car : 
– d’une part, elle rappelle de façon pédagogique l’illégalité des comportements visant à imposer des prix de revente, spécialement en matière de e-commerce et 
– d’autre part, elle étend la jurisprudence Coty, limitée initialement à la distribution sélective de produits de luxe, à des relations commerciales courantes pour rejeter le grief d’illicéité de l’interdiction de revente sur des plateformes tierces. 

Entre prix de revente « conseillés » et « imposés » : un exercice dangereux

L’article L 442-6 du Code de commerce prohibe « le fait par toute personne d’imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale ». L’Autorité a jugé que, sous couvert de communiquer à ses distributeurs des prix conseillés, Dammann Frères leur a en réalité imposé des prix de revente, le non-respect de ces prix étant parfois sanctionné par des représailles (suppression ou réduction du montant des remises qui leur étaient accordées, retard dans les livraisons, suppression de leurs coordonnées de la liste de distributeurs présentée sur son site Internet, rupture d’approvisionnement, voire rupture des relations commerciales). 

Le fournisseur justifiait – en vain- cette pratique par sa volonté de préserver l’image et le positionnement de ses produits mais surtout d’éviter des écarts de prix trop grands entre les reventes sur internet et celles réalisées par les magasins du réseau (où les revendeurs avaient d’ailleurs une plus grande latitude dans la fixation des prix).

La restriction de concurrence résultant des prix de revente minimum imposés peut être flagrante lorsque des stipulations contractuelles fixent directement le prix ; mais elle peut se déduire d’un faisceau d’indices qui est caractérisé selon une méthode strictement appliquée par l’Autorité: 

•    le fournisseur diffuse ses prix de revente (conseillés) à ses distributeurs, 
•    ces derniers les appliquent significativement et, 
•    un système de « police des prix » est instauré afin d’empêcher que l’entente sur les prix ne soit remise en cause par les distributeurs déviants. Ce mécanisme se traduit par la surveillance des prix par le fournisseur (voire par les autres distributeurs…),
•    cela aboutit à des pressions, voire des représailles, pour obliger les distributeurs à aligner leurs prix à la hausse, telles que des retards de livraison, des ruptures d’approvisionnements, des suppressions des remises, etc.

Toutefois, la frontière est ténue entre un mécanisme de surveillance des prix et un mécanisme de contrainte sur les prix. Cette insécurité juridique a été critiquée et la Commission européenne pourrait apporter, à l’occasion de la réforme en préparation du règlement européen sur les restrictions verticales, des conseils supplémentaires quant aux circonstances dans lesquelles les prix de revente recommandés doivent être qualifiés de prix de revente imposés. La réforme attendue en 2022 pourrait même aller plus loin en mettant en avant les effets pro-concurrentiels des prix de revente imposés. 

Interdiction de revente sur les plateformes tierces : une option sérieuse

S’agissant de l’interdiction de revente de ses produits sur des plateformes tierces, imposée ouvertement par Dammann Frères, l’Autorité a eu une approche plutôt libérale et novatrice en appliquant les règles de la Jurisprudence Coty(arrêt du 6 12 17, Coty Germany GmbH, C 230/16) pour décider in fine qu’il n’y a pas lieu de poursuivre et donc de sanctionner. Si cette approche était confirmée par les Juridictions judiciaires, cela aurait un impact considérable sur les fournisseurs qui cherchent à contrôler et restreindre les modalités de revente de leurs produits sur des plateformes tierces de type Amazon ou e-Bay.

L’Autorité a relevé que la part de marché du fabricant de thé était inférieure à 30 % et que cette restriction ne constituait pas une restriction caractérisée. En effet, l’Autorité a constaté que cette pratique :
(i)    n’interdisait pas aux distributeurs de vendre les produits en ligne ni de se faire connaître par le biais de sites internet tiers (publicité et utilisation des moteurs de recherche) et 
(ii)    ne constituait pas une restriction de clientèle des distributeurs, car les éléments du dossier n’ont pas permis de dénombrer les clients de ces plateformes au sein du groupe des acheteurs en ligne. 

La décision de l’Autorité s’inscrit donc dans la lignée de la jurisprudence Coty selon laquelle le fournisseur d’un réseau de distribution sélective de produits de luxe peut interdire la revente de ses produits sur des plateformes tierces afin de préserver l’image de ses produits (voir nos commentaires ICI)

L’Autorité avait déjà étendu la jurisprudence Coty aux produits techniques dans une décision du 24 octobre 2018 (n°18-D-23), concernant les pratiques de la société Stihl, leader des produits de motoculture (confirmé pour l’essentiel en appel, C. appel Paris 17 10 19), où l’Autorité, de façon prémonitoire, indiquait : « il importe de préciser que l’analyse opérée par la cour de justice dans l’arrêt Coty pour la commercialisation en ligne de produits de luxe paraît susceptible d’être étendue à d’autres types de produits » (voir nos commentaires ICI).

L’Autorité va maintenant encore plus loin car, même si les thés Dammann Frères font l’objet d’un positionnement « haut de gamme », ils ne sont ni des produits de luxe (mais de « première nécessité » ? …) ni même distribués dans le cadre d’un réseau de distribution sélective. 

Éléments clés à retenir

Dans le cadre de ses relations avec ses distributeurs, le fournisseur doit veiller à : 
–    ne pas stipuler de clause expresse de prix minima de revente imposés ;
–    ne pas mettre en œuvre de système, ni tolérer des pratiques, de représailles commerciales à l’égard des distributeurs s’écartant des prix minima « conseillés » (ni même les menacer de le faire) ; 
–    ne pas leur interdire de vendre les produits en ligne ni de faire de la publicité en ligne ;
–    examiner avec beaucoup de précaution la possibilité de leur interdire de revendre ses produits sur des plateformes tierces.

En outre, il est même préférable que le fournisseur : 
– ne leur diffuse pas des prix conseillé de revente fixes ou minima ; 
– ne mette pas en place de mécanisme de surveillance des prix. 

L’assistance d’Altaïr Avocats 

– Validation des politiques tarifaires et commerciales par segment
– Rédaction des CGV – CGU , CCV et CPV des différents canaux de vente, BtoB et BtoC
– Audit de politique tarifaire et commerciale
– Coordination entre politiques de ventes off line et on line (phygital, site web et place de marché)
– Coordination entre sites web en conformité avec le Règlement geoblocking

Le renforcement de la protection du consommateur sur Internet (Actualité Distribution / Concurrence, nov. 2020)

La protection du consentement de l’internaute lors de la collecte de ses données sur Internet

La Cour de justice de l’UE (CJUE) a rappelé dans un arrêt du 11 novembre 2020 que le consentement des internautes à l’utilisation et au traitement de leurs données devait être actif et ne pouvait résulter d’une case en ce sens cochée par défaut sur un site internet.  A cette occasion, la CJUE a également rappelé que les stipulations ne doivent pas induire en erreur l’utilisateur quant à la possibilité de conclure le contrat même s’il refuse de consentir au traitement de ses données (CJUE, aff. C 673/17). Cette décision fait écho à un arrêt du 1er octobre 2019 aux termes duquel la Cour a également jugé que le consentement actif des internautes en matière de placement de cookies ne pouvait pas résulter d’une case cochée par défaut (CJUE, aff. C-61/19).

La protection des consommateurs internautes contre la discrimination et la désinformation 

De manière plus structurelle, le législateur de l’UE a renforcé les obligations des Etats membres en matière de protection des intérêts des consommateurs et, afin d’adapter le droit français à ces réformes, la loi DDADUE a définitivement été adopté par l’Assemblée nationale le 18 novembre 2020. 

La lutte contre les blocages géographiques 

Ce texte est l’occasion de mettre en conformité le droit national avec le Règlement (UE) 2018/302 du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, en introduisant dans le Code de la consommation des dispositions visant à lutter contre ces pratiques au niveau national, notamment à l’égard des consommateurs des DOM-TOM de la part de professionnels installés en métropole.

La transparence accrue lors des achats en ligne

Cette loi habilite également le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives de transposition des dispositions de la Directive (UE) 2019/2161 du 27 novembre 2019 qui ont notamment pour objet : 

–    d’imposer aux places de marché des obligations d’information à l’égard des consommateurs ;
–    d’étendre les règles d’information et de protection des consommateurs aux services numériques gratuits (réseaux sociaux) ;
–    de renforcer la lutte contre les « faux avis » de consommateurs sur les plateformes ;
–    d’encadrer les annonces de réduction de prix par la nécessité de justifier d’un prix de référence ;
–    d’informer le consommateur sur l’application d’un prix personnalisé à partir d’un algorithme.

Les nouveaux pouvoirs de la DGCCRF en matière de fraude en ligne 

En matière de fraudes en ligne (telle que la mise sur le marché de produits non conformes voire dangereux ou encore le développement de sites internet frauduleux), il dote la DGCCRF de nouveaux moyens d’actions puisqu’elle pourra directement : 

–    ordonner aux opérateurs de plateformes en ligne, aux fournisseurs d’accès à internet ou aux personnes exploitant des logiciels permettant d’accéder à une interface en ligne d’afficher un message avertissant les consommateurs du risque de préjudice encouru lorsqu’ils accèdent au contenu manifestement illicite ; voire 
–    ordonner aux bureaux d’enregistrement de domaines de prendre des mesures de blocage d’un nom de domaine. 

Eléments clés à retenir

Les opérateurs de site web doivent donc dès maintenant adapter les termes de leur Politique de Données Personnelles et de leur Politique Commerciale car leur site de commerce en ligne : 

–    ne peut pas pré-cocher la case relative à la collecte et au traitement des données personnelles, ni celle relative à l’utilisation de cookies ; 
–    ne peut pas refuser l’accès à son site pour tout utilisateur situé dans un autre Etat membre (ou sur un territoire ultra-marin), y compris en le redirigeant automatiquement sur une autre version du site internet, avec l’extension du nom de domaine du pays de résidence ; 
–    ne peut pas refuser toute commande passée par un utilisateur situé dans un autre Etat membre (ou sur un territoire ultra-marin), par exemple en exigeant une domiciliation bancaire dans le pays au stade du paiement, mais peut ne pas organiser la livraison de la commande ; 
–    ne doit pas soumettre de faux avis ou de fausses recommandations de consommateurs pour promouvoir leurs produits, ni manipuler les avis ou recommandations de consommateurs, par exemple en ne publiant que les avis positifs et en supprimant les avis négatifs ; 
–    doit informer le consommateur sur l’application d’un prix personnalisé à partir d’un algorithme (phénomène de yield management) ; 
–    doit indiquer au consommateur le prix antérieur appliqué avant l’application de la réduction de prix ; 
–    doit rester vigilant sur la conformité et l’absence de dangerosité des produits commercialisés via le site. 

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Altaïr Avocats

Altaïr Avocats
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