Crise du COVID-19 et respect des baux commerciaux

Crise du COVID-19 et respect des baux commerciaux

Publié le : 07/07/2020 07 juillet juil. 07 2020

Indépendamment des dispositions applicables pendant la période juridiquement protégée (cf 1ere partie), le bailleur et le preneur doivent déterminer s’ils peuvent s’exonérer de leurs obligations contractuelles pendant la période de confinement, voire sur une période plus large.

La force majeure


Il est tentant pour un locataire d’invoquer la force majeure pour suspendre le paiement de ses loyers. Sous réserve d’un aménagement contractuel, l’événement invoqué comme force majeure doit être hors du contrôle de celui qui l’invoque, être (raisonnablement) imprévisible au jour de la conclusion du contrat. Il doit aussi être irrésistible et à ce titre empêcher directement et réellement l’exécution de l’obligation est en cause. La loi française ajoute que l’événement doit avoir des effets qui ne peuvent être évités par des mesures appropriées. 

En outre, s’agissant des loyers, la Cour de cassation juge que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. Dès lors, même si le locataire a subi le contrecoup immédiat de la crise du Covid19 et n’a pas de trésorerie, il ne pourra pas invoquer cette crise, comme force majeure, pour suspendre le paiement de son loyer.

Délivrance du local et exception d’inexécution


Le locataire pourrait plutôt rechercher à travers la crise du Covid19 une défaillance de son propre bailleur l’autorisant à ne pas payer son loyer. Il pourrait alors invoquer une exception d’inexécution qui doit être temporaire et proportionnée à l’inexécution de l’autre partie. Reste dès lors à caractériser la défaillance du bailleur au regard de ses obligations essentielles qui sont d’une part l’obligation de délivrance du local et d’autre part la garantie de la jouissance paisible de celui-ci. Force est cependant de constater que contrairement à ce qui a pu être annoncé un peu rapidement, la fermeture ordonnée des points de vente ou l’interdiction pour un local d’accueillir du public ne constitue une violation ni de l’obligation de délivrance ni de la garantie de jouissance paisible. 

D’une part l’obligation de délivrance n’est pas une obligation absolue ; elle s’entend de la délivrance d’un local qui doit, matériellement, permettre l’exercice de l’activité pour laquelle la location est prévue. En l’occurrence le local est toujours présent et en état. Si on se réfère aux jurisprudences antérieures, l’obligation de délivrance porte plus sur des défauts d’entretien ou une inadéquation du local loué à l’activité envisagée contractuellement. La seule exception concernerait les centres commerciaux qui doivent garantir aux exploitants des locaux un libre accès à leur magasin : la fermeture des centres pourrait constituer une violation de l’obligation de délivrance par le centre commercial… autorisant alors la suspension des loyers (mais probablement pas l’allocation de dommages et intérêts car le centre pourrait de son côté invoquer la force majeure).

D’autre part, s’agissant de la garantie de jouissance paisible, la jurisprudence retient traditionnellement que le bailleur ne garantit le locataire que contre son fait personnel et non contre le fait de tiers tels que des voisins ou manifestants.
 
En d’autres termes, une décision de fermeture d’une autorité publique ne pourrait autoriser un locataire à suspendre le paiement de ses loyers que si cette décision est fondée sur une défaillance du bailleur.

Changement imprévisible de circonstances


L’imprévision (art. 11195 Code civil) permet, sous certaines conditions, à l’une des parties de solliciter de l’autre partie puis auprès du juge, la réadaptation du contrat en cas de déséquilibre financier. 

Il est fort probable que pour nombre d’exploitants de locaux commerciaux, le confinement et plus largement la crise du Covid19 constituent un changement imprévisible rendant l’exécution du bail excessivement onéreuse, dans la mesure où le preneur devrait payer les loyers sans pouvoir exploiter son local. Mais la voie est étroite car d’une part il faut par  principe continuer à payer le loyer pendant la phase de négociation et d’autre part il faut qu’il y ait une véritable négociation de bonne foi entre les parties. 

Cela étant, invoquer l’imprévision devrait obliger les deux parties à se rapprocher pour comprendre leurs problèmes et contraintes respectifs. Le recours à la médiation, dès le début des difficultés, pourrait en outre permettre aux deux parties de se donner plus de chance de trouver un accord amiable en faisant appel à un médiateur et éviter ainsi une procédure judiciaire.

Christophe Héry ,Expression Acheter Louer n* 75 

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