Après avoir condamné Mariage Frères (Décision du 11 décembre 2023, n°23-D-12) à une amende de 4 millions d’euros pour entente visant à interdire la vente en ligne par ses revendeurs, l’Autorité de la concurrence (l’AdlC) a condamné quelques jours plus tard (Décision du 19 décembre 2023, n°23-D-13) Rolex à une amende de 91,6 millions d’euros pour une pratique similaire, visant à interdire la vente en ligne de ses montres aux distributeurs de son réseau de distribution sélective.
Dans le cadre de la revente de ses produits sur internet par ses distributeurs, le fournisseur ne peut pas :
Toutefois, le fournisseur peut encadrer la revente de ses produits par ses distributeurs sur leur site internet :
L’interdiction de revente en ligne imposée à un distributeur par un fournisseur, restreint le territoire sur lequel, ou la clientèle à laquelle, les biens ou services contractuels peuvent être revendus et constitue à ce titre une restriction de concurrence par objet, qualifiée de restriction caractérisée (art. 4. e) du Règlement (UE) n°2022/720 de la Commission du 10 mai 2022, relatif aux « restrictions verticales »).
Le montant de l’amende administrative infligée par l’AdlC peut s’élever jusqu’à 10% du chiffre d’affaires annuel mondial du groupe ou de l’entreprise (article L.464-2, I du Code de commerce).
Le groupe Mariage Frères est condamné pour avoir notamment interdit à ses distributeurs de revendre les produits de sa marque sur internet, par le biais d’une clause de ses conditions générales de vente stipulant que :
« La revente de produits Mariage Frères sur Internet et sur d’autres réseaux fait l’objet d’un contrat séparé (…). L’obtention d’un accord de revente de produits Mariage Frères sur un point de vente individuel ne donne pas droit à la mise en place et à la revente de ces mêmes produits dans un autre point de vente individuel ».
Selon l’AdlC, cette clause assimilait le site internet des distributeurs à un point de vente individuel distinct, dont l’ouverture nécessitait l’autorisation de Mariage Frère et imposait la conclusion d’un contrat séparé (or, aucun contrat de vente en ligne n’a été conclu), ce qui « constitue une restriction de concurrence comparable à une interdiction absolue de nature explicite ».
Mariage Frères a tenté de justifier cette interdiction, par la nécessité de préserver l’image de prestige de ses produits. Cependant l’AdlC n’a pas suivi cette argumentation aux motifs que selon la jurisprudence Coty, « la clause contractuelle conférant au fournisseur la possibilité d’encadrer la vente en ligne de ses produits doit avoir une justification objective et proportionnée au regard de l’objectif poursuivi, telle que « préserver l’image de luxe et de prestige des produits concernés » dans le cadre d’un système de distribution sélective, et doit être appliquée d’une façon non discriminatoire, sans toutefois interdire « de manière absolue aux distributeurs agréés de vendre sur Internet les produits contractuels ». L’AdlC a donc considéré en l’espèce que « les critères jurisprudentiels (…) ne sont pas réunis, en l’absence notamment de système de distribution sélective »
Rolex a été condamné pour avoir interdit à ses distributeurs agréés, dans ses contrats de distribution sélective, « toute vente hors de l’établissement de vente ou par correspondance (…) ».
L’AdlC a considéré que cette clause s’analysait en une interdiction générale et absolue faite aux distributeurs d’un réseau de distribution sélective de vendre par Internet et qu’elle constituait une restriction de concurrence par objet à la lumière du contexte économique et juridique dans lequel elle s’inscrivait.
Rolex soutenait que cette interdiction était justifiée notamment par des objectifs consistant à garantir aux consommateurs un environnement d’achat satisfaisant, à lutter contre la contrefaçon et les réseaux parallèles et à préserver l’image de la marque Rolex, en particulier lors de l’envoi à distance des produits. L’AdlC a examiné ces justifications et rappelé sa pratique décisionnelle, selon laquelle les interdictions générales et absolues faites aux distributeurs d’un réseau de distribution sélective de vendre par Internet ne sont pas justifiées, ni proportionnées à la poursuite d’un objectif légitime, et que des alternatives moins restrictives doivent être envisagées.
L’AdlC a donc estimé « qu’aucun des éléments recueillis dans le cadre de l’instruction ne justifie de s’écarter de cette pratique décisionnelle et de cette jurisprudence constante, dans la mesure où des alternatives moins restrictives étaient envisageables ».
En matière de distribution sélective : Le fournisseur ne peut pas :
Toutefois, il peut :
Par l’équipe Droit Économique d’Altaïr Avocats – Janvier 2024 – Christophe HERY (associé) et Mégane BOUSSEREAU (collaboratrice).
Bonjour,
Nous vous remercions pour votre message dont nous accusons bonne réception.
Nous reviendrons vers vous dans les meilleurs délais.
Bien sincèrement,
Altaïr Avocats