Prix minimum de revente : interdiction de l’imposer, même pour préserver l’image de marque

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Prix minimum de revente : interdiction de l’imposer, même pour préserver l’image de marque

La Cour d’appel de Paris a rejeté intégralement le recours formé par le Groupe Luxottica contre la décision rendue par l’Autorité de la Concurrence et a confirmé la sanction d’un montant de plus de 125 millions d’euros prononcée à son encontre (CA Paris, Pôle 5, Ch. 7, 12 décembre 2024, n°21/16134). Cette dernière avait condamné le groupe et plusieurs autres entreprises du secteur des lunettes et montures pour pratique anticoncurrentielle consistant en une entente verticale visant à limiter la liberté tarifaire des distributeurs en imposant des restrictions quant aux promotions et aux publicité réalisés sur les prix (AdlC, 22 juillet 2021, Décision 21-D-20).

Points clés à retenir

  • L’imposition de prix de revente fixes ou minimaux par un fournisseur à ses distributeurs constitue une pratique anticoncurrentielle « par objet » qui supposent nécessairement des mesures de rétorsion visant à faire respecter les prix diffusés.
  • La protection de l’image de marque ne justifie pas le contrôle des opérations promotionnelles ayant pour objectif de maintenir un « certain niveau de prix », même si ce dernier n’est pas déterminé par le fournisseur. 
  • En revanche, ne constitue pas une pratique de prix imposés le fait pour un fournisseur d’imposer un prix de revente maximal ou de recommander un prix de vente par des barèmes de prix conseillés dès lors que (i) les distributeurs restent libres de fixer leur propre politique tarifaire et (ii) que le fournisseur n’impose pas de facto ses prix « conseillés » par une police des prix ou des mesures de rétorsion.
  • La pratique des prix imposés constitue également une infraction pénale au sens de l’article L. 442-6 du Code de commerce sur le fondement des pratiques restrictives de concurrence dont la sanction peut se cumuler avec celle prononcée au titre des pratiques anticoncurrentielles.

L’affaire Luxottica en un clin d’œil : le luxe n’a pas de prix … de revente minimum imposé

La Cour d’appel de Paris a jugé que les contrats de distribution et les chartes signées entre Luxottica et ses distributeurs permettaient à Luxottica de contrôler les promotions commerciales, influençant ainsi directement les prix pratiqués par les distributeurs. Par ailleurs, la Cour a considéré que la soumission volontaire des distributeurs résultait de la crainte de mesures de rétorsion par Luxottica.

La Cour d’appel a ainsi rejeté l’argument de Luxottica selon lequel la restriction de concurrence « par objet » ne pouvait être retenue qu’en cas d’imposition d’un prix minimal, et non d’un « certain niveau de prix », lui-même, indéterminé, en affirmant que la liberté tarifaire des distributeurs peut être restreinte même en l’absence d’un prix déterminé. En outre, la Cour a estimé que la préservation de l’image de luxe de la marque ne saurait justifier les contrôles exercés sur les opérations promotionnelles des distributeurs afin de garantir un prix élevé, dès lors que cet objectif pouvait être atteint par d’autres moyens.

Une pratique anticoncurrentielle

Les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce prohibent les pratiques visant à imposer un prix minimum de revente. En droit européen, une telle pratique est qualifiée de restriction caractérisée (art. 4, a., Règl. (UE) 2022/720 et §185 Lignes directrices sur les restrictions verticales).

Cependant, le fournisseur peut recommander des prix de revente minima conseillés (ou même imposer un prix maximum), à condition que le distributeur conserve une réelle liberté dans la fixation de ses prix, ce qui n’est pas le cas, lorsque ces recommandations dissimulent des prix de vente minima imposés par des moyens indirects tels que la fixation de la marge de vente, la fixation du niveau maximal des réductions ou encore le fait de subordonner au respect d’un niveau de prix déterminé l’octroi de ristourne ou le remboursement des coûts proportionnels par le fournisseur (§187 Lignes directrices sur les restrictions verticales).

L’Autorité de la concurrence s’appuie sur un faisceau d’indices graves, précis et concordants pour démontrer non seulement l’existence d’un accord de volontés entre le fournisseur et le distributeur quant aux prix de revente imposés au sein du réseau, mais également le constat de l’application effective de ces prix par les distributeurs (acquiescement) et la mise en œuvre d’une police de prix par le fournisseur (AdlC, 1er déc. 2015, déc. no 15-D-18).

Constitue une police de prix le fait de surveiller régulièrement les prix des distributeurs (Cons. conc., déc. no 01-D-45, 19 juill. 2001), d’adresser des avertissements aux distributeurs mauvais élèves (Cons. conc., déc. no 01-D-45, 19 juill. 2001), de refuser de vendre ou de réapprovisionner les distributeurs (Cons. conc., déc. no 05-D-32, 22 juin 2005 AdlC., déc. no 19-D-17, 30 juill. 2019) ou encore de prononcer des sanctions pécuniaires conséquentes (AdlC., déc. no 18-D-26, 20 déc. 2018)

Selon le droit européen, la restriction caractérisée des prix imposés pourra être exemptée si l’auteur de la pratique parvient à démontrer qu’elle permet de générer des gains d’efficience notamment lors du lancement d’un nouveau produit ou encore lors d’une campagne de prix bas coordonnée sur une courte durée (§197 Lignes directrices sur les restrictions verticales).

Une infraction pénale

En tout état de cause, la pratique des prix minima imposés constitue en droit interne une infraction pénale sanctionnée sur le fondement de l’article L. 442-6 du Code de commerce qui dispose :

« Est puni d’une amende de 15.000 € le fait par toute personne d’imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale » 

Ainsi, une entreprise peut être sanctionnée sur le fondement des pratiques restrictives de concurrence et sur le fondement des pratiques anticoncurrentielles, la poursuite de l’une n’étant pas exclusive de l’autre. Bien que l’appréciation de cette infraction soit proche de celle des pratiques anticoncurrentielles, l’infraction de prix minimum imposés suppose la démonstration de son élément matériel, l’imposition d’un prix minimal de revente d’un produit, service ou de la marge commerciale, et de son élément moral que la jurisprudence déduit de la matérialité des faits ou de la violation en connaissance de cause d’une telle prohibition (Cass. Crim. 31 oct. 2000, n°99-86.588).

L’assistance d’Altaïr Avocats

  • Accompagnement dans la mise en œuvre de la politique tarifaire des fournisseurs ;
  • Assistance dans la mise en place, le développement et/ou la restructuration de réseaux de distribution physiques et/ou en ligne ;
  • Accompagnement dans le cadre d’enquête des autorités de concurrence ;  
  • Représentation dans le cadre de procédures contentieuses devant les autorités de concurrence (procédure au fond et demande de mesures provisoires visant à empêcher qu’un comportement anticoncurrentiel n’entraîne de dommages irréversibles) et judiciaires.

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