L’opposabilité d’une clause limitative de responsabilité contractuelle à un tiers agissant sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle

Cet arrêt s’inscrit dans la ligne directe des jurisprudences permettant aux tiers à un contrat d’invoquer un manquement contractuel sur le fondement de la responsabilité délictuelle, pour réparer le dommage subi du fait de ce manquement ; mais il permet désormais de rassurer les parties à un contrat, sur l’étendue de leur responsabilité vis-à-vis des tiers.

L’action d’un tiers qui subit un dommage résultant d’un manquement contractuel, engagée contre un cocontractant sur le fondement de la responsabilité délictuelle

La jurisprudence antérieure considérait déjà que le tiers pouvait se prévaloir d’un manquement contractuel pour engager la responsabilité délictuelle d’un cocontractant, si ce manquement lui a causé un dommage.

Par dérogation au principe de l’effet relatif des contrats, selon lequel « le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties » et que « les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter » (article 1199 du code civil), la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, avait considéré à l’occasion du désormais célèbre arrêt Boot shop (Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n°05-13.255), que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». Cette solution fût réitérée dans un récent arrêt Bois Rouge (Cass., ass. plén., 13 jan. 2020, n°17-19.963).

Dès lors, alors que les dispositions de l’article 1240 (anc. art. 1382) du code civil prévoient que la responsabilité délictuelle suppose la réunion d’un dommage, d’un lien de causalité et d’une faute, l’invocation par un tiers au contrat d’un « manquement contractuel » suffit désormais à démontrer la « faute » permettant au tiers d’obtenir réparation de ce manquement (qui lui cause un dommage) sur le fondement de la responsabilité civile extra-contractuelle.

Mais cette solution, critiquée par la doctrine, introduisait un déséquilibre entre le créancier de l’obligation et le tiers, dans la mesure où, en vertu du principe de réparation intégrale, le tiers avait alors la possibilité de réclamer la réparation de l’entier préjudice résultant d’un manquement contractuel, tandis qu’un cocontractant invoquant le même manquement sur le fondement de la responsabilité contractuelle restait, lui, limité par ses dispositions contractuelles et notamment par une clause limitative de responsabilité, à l’avantage évident du tiers au contrat.

Les « conditions et limites de la responsabilité » découlant du contrat sont opposables aux tiers pour ne pas lui conférer une position plus avantageuse que le cocontractant

Dans ce contexte, l’arrêt du 3 juillet 2024 précise que « Pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s’est engagé en considération de l’économie générale du contrat et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même », le tiers invoquant un manquement contractuel sur le fondement de la responsabilité délictuelle « peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre contractants ».

Reste néanmoins une incertitude quant aux clauses contractuelles effectivement concernées par cette jurisprudence. Les « conditions et limites de la responsabilité » visent les clauses limitatives de responsabilité, mais qu’en est-il des clauses pénales ou de prévisibilité du dommage ? Une interprétation large des « conditions et limites de la responsabilité » autorisent à penser que ces clauses pourraient très probablement également être opposables aux tiers. Pourtant, les parties au contrat, selon une jurisprudence établie, ne peuvent restreindre la responsabilité délictuelle, d’ordre public, et donc prévoir à l’avance, par exemple au sein même des clauses limitatives de responsabilité, ce qui s’appliquera ou non aux tiers.

Mais qu’en est-il des clauses de compétence ou de droit applicable, dont l’inopposabilité aux tiers les placerait également dans une position plus favorable que le créancier de l’obligation ? Selon la même logique, ces dispositions devraient également être opposables aux tiers. En fait, c’est déjà le cas lorsqu’une action directe est intentée par le sous-acquéreur d’un matériel contre le vendeur initial (bien que cette action soit de nature contractuelle, même si le sous-acquéreur n’a pas signé le contrat initial). Cela peut également être le cas d’une clause d’arbitrage, dont l’effet contraignant peut être étendu à une action en responsabilité délictuelle pour négligence.

Le manquement contractuel n’est pas l’unique faute dont peut se prévaloir le tiers

La jurisprudence antérieure aux arrêts Boot Shop et Bois rouge ne refusait pas toute action à un tiers victime d’un manquement contractuel, mais exigeait que le tiers démontre l’existence d’une faute « envisagée en elle-même, indépendamment de tout point de vue contractuel » (Cass. 1ère civ., 7 nov. 1962 ; Cass. 2ème civ., 7 fév. 1962 ; Cass. 1ère civ., 23 mai 1978), entendue comme la violation d’un devoir général de prudence et de diligence « détachable du contrat » (Cass. 3ème civ., 17 oct. 1973), pour engager la responsabilité délictuelle d’une partie.

Cette jurisprudence retrouverait alors toute son importance grâce à l’arrêt du 3 juillet 2024, qui permettrait alors au tiers, sur le fondement de la responsabilité civile extra-contractuelle :

  • Soit de démontrer l’existence d’une faute « détachable » au contrat ; et de ne pas subir les dispositions contractuelles qui pourraient lui être opposées, tout en voyant son entier préjudice réparé ;
  • Soit d’invoquer un manquement contractuel ; et de prendre le risque de se voir opposer certaines clauses du contrat.

L’assistance d’Altaïr Avocats

  • Rédaction et négociation de contrats commerciaux, incluant les clauses limitatives de responsabilité ;
  • Audits de contrats, analyses des risques contractuels ;
  • Renégociation et préparation de rupture de contrats ;
  • Assistance et conseil dans le cadre de procédures contentieuses devant les autorités judiciaires, en responsabilité contractuelle ou délictuelle.

France – Rupture brutale d’un contrat international

Au cours des vingt dernières années, cet article est devenu le fondement juridique régulier d’actions en réparation (jusqu’à 18 mois de marge brute et d’autres dommages) lorsqu’une relation commerciale ou un contrat prend fin (totalement ou même partiellement).

Par conséquent, tout commerçant (notamment étranger) qui contracte avec une entreprise (française) devrait essayer de ne pas être appréhendé cette règle (partie I) et, s’il ne peut pas, devra comprendre et contrôler sa mise en œuvre (partie II).


En bref :


Comment une entreprise étrangère peut-elle éviter le risque lié à la sanction d’une « rupture brutale des relations commerciales », prévue par la loi française ?

Les entreprises étrangères faisant affaire avec un partenaire français devraient :

  • conclure, dès que possible, un accord cadre écrit avec leurs fournisseurs ou clients français, même pour une relation très simple et;
  • stipuler une clause en faveur d’une juridiction étrangère (ou d’un d’arbitrage) ainsi une clause soumettant le contrat à une loi étrangère car, à défaut, elles seraient soumises aux tribunaux et lois français.

Comment une entreprise étrangère peut-elle maîtriser le risque lié à la sanction d’une « rupture brutale des relations commerciales » quand la loi française s’applique ?

Les entreprises étrangères faisant affaire avec un partenaire français devraient :

  • anticiper son application à presque tous les types de relations commerciales ou contrats, qu’ils soient écrits ou non, à durée déterminée ou non;
  • vérifier si leur relation/contrat est suffisamment longue, régulière et significative et si l’autre partie a légitimement cru en la continuation de cette relation/contrat;
  • donner un préavis écrit de résiliation ou de non-renouvellement (ou même d’une modification majeure), dont la durée tient principalement compte de la durée de la relation, indépendamment de la durée du préavis contractuel;
  • invoquer, avec prudence, la force majeure et la faute grave de la partie pour écarter la rupture brutale;
  • anticiper, en cas de préavis insuffisant, une indemnisation dont le montant est le produit de la marge mensuelle moyenne multipliée par la durée du préavis non accordé.

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Par Christophe HERY, associé – juin 2024.

Comment conclure un contrat avec des influenceurs en France

Mais les influenceurs sont soumis à de multiples obligations résultant de diverses sources qui appellent à la vigilance la plus grande, tant lors de la rédaction des contrats d’influence (entre influenceurs et agences, ou entre influenceurs et annonceurs), que dans le comportement qu’ils doivent adopter sur les réseaux sociaux ou sur les plateformes en ligne. Une vigilance d’autant plus accrue sue les réglementations existantes ne couvrent pas le cœur de l’activité des influenceurs, à savoir leur statut et leur rémunération, qui restent soumises à un flou juridique mettant en risque les annonceurs, alors que les contrôles des autorités administratives s’intensifient.


Points clés à retenir 

  • L’activité des influenceurs est soumise à de nombreuses réglementations, dont la loi du 9 juin 2023.
  • Cette loi n’encadre pas seulement la rédaction des contrats d’influence, mais également le comportement des influenceurs en vue d’une meilleure transparence auprès des consommateurs.
  • Tout influenceur dont l’audience est française est concerné par les dispositions du de la loi du 9 juin 2023, même s’il n’est pas présent physiquement sur le territoire français.
  • Tant la loi du 9 juin 2023, que le « Digital Service Act », que le projet de loi sur la « fast fashion » prévoient une responsabilité croissante des différents acteurs du secteur de l’influence commerciale, et notamment des influenceurs et des plateformes en ligne.
  • Malgré une accumulation des réglementions, le statut et la rémunération de l’influenceur restent des points non traités qui appellent à une attention particulière des annonceurs qui contractualisent avec des influenceurs.

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Par l’équipe Droit Économique d’Altaïr Avocats – mars 2024 – Christophe HERY,  Albane Watin et Clara Bergounioux.

Jeux Olympiques Paris 2024 et Ambush Marketing

Avec un budget de plus de 4 milliards d’euros, les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 sont financés dans une large mesure par les différents partenaires et sponsors officiels, qui bénéficient en contrepartie d’un droit d’utilisation des propriétés olympiques et paralympiques afin d’y associer leur propre image et signes distinctifs. Mais la protection accordée- légitimement – aux sponsors, bien qu’extrêmement importante, n’est pas totale et l’intérêt médiatique et financier de tels évènements de grande ampleur encourage certaines entreprises qui n’ont pas de lien contractuel avec l’évènement, à tenter d’associer « sauvagement » leur marque à l’évènement par une pratique d’« ambush marketing » (marketing d’embuscade).

La jurisprudence la définit comme une « stratégie publicitaire mise en place par une entreprise afin d’associer son image commerciale à celle d’un événement et donc de profiter de l’impact médiatique dudit événement sans s’acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’organisateur de l’événement » (CA Paris, 2ème chambre, 8 juin. 2018, n°17/12912). Une pratique risquée et sanctionnée mais quelque fois envisageable.

Points clés à retenir

  • L’ambush marketing est une pratique sanctionnée mais qui n’est pas interdite en soi ;  
  • En contrepartie de leurs investissements dans l’évènement concerné, les sponsors et partenaires officiels bénéficient d’une protection juridique très importante, par l’intermédiaire de divers textes généraux (contrefaçon, parasitisme, propriété intellectuelle) ou plus particuliers (droit du sport), contre toutes formes d’ambush marketing ;
  • Les Jeux Olympiques font l’objet d’une règlementation spécifique qui renforce encore davantage cette protection, notamment en matière de propriété intellectuelle ;  
  • Mais ces droits ne sont pas absolus et il reste néanmoins de minces opportunités permettant une pratique – astucieuse – du marketing d’embuscade.

La protection des sponsors et partenaires officiels de manifestations sportives ou culturelles contre l’ambush marketing

Pour lire l’intégralité de l’article publié sur Legalmondo à propos des Jeux Olympiques Paris 2024 et Ambush Marketing, veuillez cliquer ici

Réseau de distribution et restrictions des ventes sur internet

Éléments clés à retenir

Dans le cadre de la revente de ses produits sur internet par ses distributeurs, le fournisseur ne peut pas :

  • stipuler des clauses dans ses conditions générales de vente, ou tout autre document contractuel visant à interdire de manière absolue la revente des produits par le distributeur sur son propre site internet ;
  • leur imposer des prix de revente.

Toutefois, le fournisseur peut encadrer la revente de ses produits par ses distributeurs sur leur site internet :

  • en stipulant des critères qualitatifs d’usage du site web des distributeurs ;
  • en interdisant le recours à des plateformes tierces (market place) lorsque ce sont des produits de luxe (jurisprudence Coty) ou de haute technicité (Décision AdlC, Stihl, 24 10 18, n°18-D-23) dans des réseaux de distribution sélective, ou « haut de gamme » (Décision AdlC, Thé Damman Frères, 03 12 20, n°20-D-20) ;
  • en pratiquant une politique tarifaire différenciée, (« prix dual »), selon la vente en ligne et hors ligne, sous réserve qu’une telle différenciation des prix (i) incite ou récompense le niveau d’investissement du distributeur sur le canal considéré, et (ii) n’ait pas pour objet ou effet de priver le distributeur de la possibilité de vendre les produits sur internet.

Une restriction de concurrence par objet, lourdement sanctionnée

L’interdiction de revente en ligne imposée à un distributeur par un fournisseur, restreint le territoire sur lequel, ou la clientèle à laquelle, les biens ou services contractuels peuvent être revendus et constitue à ce titre une restriction de concurrence par objet, qualifiée de restriction caractérisée (art. 4. e) du Règlement (UE) n°2022/720 de la Commission du 10 mai 2022, relatif aux « restrictions verticales »).

Le montant de l’amende administrative infligée par l’AdlC peut s’élever jusqu’à 10% du chiffre d’affaires annuel mondial du groupe ou de l’entreprise (article L.464-2, I du Code de commerce).

  • Stihl s’est vu infligé une amende de 7 millions d’euros (2018) ;
  • Dammann Frères a été condamné à une amende de 226 mille euros (2020) ;
  • Mariage Frères a été condamné à hauteur de 4 millions d’euros (2023) ;
  • Rolex a été sanctionné à hauteur de 91,6 millions d’euros (2023).

Mariage Frères et Rolex sont sanctionnés pour avoir illicitement imposé une interdiction de revente en ligne à leurs distributeurs

Le groupe Mariage Frères est condamné pour avoir notamment interdit à ses distributeurs de revendre les produits de sa marque sur internet, par le biais d’une clause de ses conditions générales de vente stipulant que :
« La revente de produits Mariage Frères sur Internet et sur d’autres réseaux fait l’objet d’un contrat séparé (…). L’obtention d’un accord de revente de produits Mariage Frères sur un point de vente individuel ne donne pas droit à la mise en place et à la revente de ces mêmes produits dans un autre point de vente individuel ».

Selon l’AdlC, cette clause assimilait le site internet des distributeurs à un point de vente individuel distinct, dont l’ouverture nécessitait l’autorisation de Mariage Frère et imposait la conclusion d’un contrat séparé (or, aucun contrat de vente en ligne n’a été conclu), ce qui « constitue une restriction de concurrence comparable à une interdiction absolue de nature explicite ».

Mariage Frères a tenté de justifier cette interdiction, par la nécessité de préserver l’image de prestige de ses produits. Cependant l’AdlC n’a pas suivi cette argumentation aux motifs que selon la jurisprudence Coty, « la clause contractuelle conférant au fournisseur la possibilité d’encadrer la vente en ligne de ses produits doit avoir une justification objective et proportionnée au regard de l’objectif poursuivi, telle que « préserver l’image de luxe et de prestige des produits concernés » dans le cadre d’un système de distribution sélective, et doit être appliquée d’une façon non discriminatoire, sans toutefois interdire « de manière absolue aux distributeurs agréés de vendre sur Internet les produits contractuels ». L’AdlC a donc considéré en l’espèce que « les critères jurisprudentiels (…) ne sont pas réunis, en l’absence notamment de système de distribution sélective »

Rolex a été condamné pour avoir interdit à ses distributeurs agréés, dans ses contrats de distribution sélective, « toute vente hors de l’établissement de vente ou par correspondance (…) ».
L’AdlC a considéré que cette clause s’analysait en une interdiction générale et absolue faite aux distributeurs d’un réseau de distribution sélective de vendre par Internet et qu’elle constituait une restriction de concurrence par objet à la lumière du contexte économique et juridique dans lequel elle s’inscrivait.

Rolex soutenait que cette interdiction était justifiée notamment par des objectifs consistant à garantir aux consommateurs un environnement d’achat satisfaisant, à lutter contre la contrefaçon et les réseaux parallèles et à préserver l’image de la marque Rolex, en particulier lors de l’envoi à distance des produits. L’AdlC a examiné ces justifications et rappelé sa pratique décisionnelle, selon laquelle les interdictions générales et absolues faites aux distributeurs d’un réseau de distribution sélective de vendre par Internet ne sont pas justifiées, ni proportionnées à la poursuite d’un objectif légitime, et que des alternatives moins restrictives doivent être envisagées.
L’AdlC a donc estimé « qu’aucun des éléments recueillis dans le cadre de l’instruction ne justifie de s’écarter de cette pratique décisionnelle et de cette jurisprudence constante, dans la mesure où des alternatives moins restrictives étaient envisageables ».


Mise en perspective de l’interdiction de vente en ligne dans les réseaux de distribution

En matière de distribution sélective : Le fournisseur ne peut pas :

  • insérer des clauses dans ses conditions générales de vente, ou tout autre document contractuel visant à interdire ou restreindre la revente des produits par le distributeur, sur son propre site internet ;
  • interdire à ses distributeurs de faire de la publicité en ligne ;
  • restreindre les ventes actives et passives de ses distributeurs (détaillants) à des utilisateurs finals. Toutefois, le fournisseur peut encadrer la revente de ses produits et notamment :
  • imposer aux distributeurs des normes de qualité pour l’utilisation de leur site internet, tel que l’exigence de disposer d’un ou plusieurs points de vente physiques ou des critères qualitatifs tenant par exemple à la charte graphique et la qualité technique de leur site internet ;
  • interdire à ses distributeurs de revendre les produits sur des plateformes tierces, si une telle interdiction est nécessaire à l’objectif poursuivi (image de marque, sécurité des consommateurs) et est appliquée de manière uniforme et non discriminatoire ;
  • interdire à ses distributeurs agréés de revendre les produits hors du réseau ;
  • restreindre les ventes aux utilisateurs finaux lorsque le distributeur est un grossiste. En matière de distribution exclusive : Le fournisseur ne peut pas :
  • insérer des clauses dans ses conditions générales de ventes ou tout autre document contractuel visant à interdire ou restreindre la revente en ligne des produits par le distributeur, sur son propre site internet ;
  • interdire les reventes sur les plateformes tierces (sous réserve de l’exception de la décision Thé Damman Frères) ;
  • interdire les reventes en ligne (passives, sollicitées par un client) des produits à un client situé en dehors de son territoire, ni imposer des mesures de geoblocking sur son site internet.

    Toutefois, il peut :
  • interdire à ses distributeurs de procéder à des ventes actives de produits à un client situé hors de son territoire, si ce client est situé sur le territoire exclusif d’un autre distributeur (dans la limite de 5 distributeurs) ou si le fournisseur s’est réservé ce territoire ;
  • insérer une clause visant à limiter le ciblage actif par un distributeur, par internet, à des clients situés sur le territoire exclusif d’un autre distributeur.

L’assistance d’Altaïr Avocats

  • Rédaction et négociation des conditions générales de ventes servant à établir le socle de la relation commerciale et la politique tarifaire du fournisseur.
  • Mise en œuvre de la documentation contractuelle d’un réseau de distribution simple, exclusive ou sélective.
  • Audit des pratiques de distribution de vente en ligne.
  • Accompagnement et conseils dans le choix puis la mise en place du réseau de distribution.
  • Contentieux de la violation du réseau de distribution exclusive ou sélective.

Par l’équipe Droit Économique d’Altaïr Avocats – Janvier 2024 – Christophe HERY (associé) et Mégane BOUSSEREAU (collaboratrice).

Innovation des avocats, son financement et les enjeux de demain 

Pierre GRAMAGE, associé au sein du cabinet Altaïr, détaille dans le numéro de novembre 2023 de la Revue Pratique de la Prospective et de l’Innovation, plusieurs pistes de réflexions autour de l’innovation des avocats, son financement et les défis qui se profilent pour l’avenir 

Dans cet article, Pierre GRAMAGE propose une analyse sur les mutations de la relation entre l’innovation et la profession d’avocats. Une relation historiquement animée par une innovation appliquée au service de l’avocat, mais qui voit désormais son paradigme évoluer avec une innovation instituée par l’avocat lui-même. 

Lien vers l’article sur le site de LexisKiosque : Revue Pratique de la prospective et de l’innovation N°2 – SAMEDI 28 OCTOBRE 2023

Loi « EGALIM 3 » : nouvelles obligations applicables aux distributeurs et fournisseurs de produits de grande consommation

Les produits de grande consommation sont définis à l’article L.441-4 du Code de commerce comme « des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation ». Sont notamment concernés les boissons alcoolisées, les produits d’hygiène, d’entretien et de beauté, certains articles en papiers et les piles électriques, selon l’article D.441-1 du même Code.

L’encadrement des promotions

A compter du 1er mars 2024, les promotions appliquées sur les PGC seront limitées (i) à 34% du prix de vente au consommateur, par produit ; et (ii) à 25% en volume ou du chiffre d’affaires annuel global prévisionnel déterminé au contrat par les parties lors des négociations (articles 2 et 7 de la loi Descrozaille, ci-après « LD »).

Ce dispositif, qui existait déjà sous forme d’expérimentation pour les produits alimentaires, est prorogé jusqu’au 15 avril 2026.  L’encadrement prévu pour les produits alimentaires avait fait l’objet de lignes directrices de la DGCCRF, dont l’actualisation permettrait d’en préciser les conditions d’application aux PGC.

Le principe de « ligne à ligne » et l’interdiction de la discrimination abusive

A compter du 1er avril 2023, en application du principe du « ligne à ligne »,les distributeurs et les fournisseurs devront détailler dans leur conventionannuelle les obligations réciproques auxquelles ils s’engagent à l’issue de la négociation commerciale, ainsi que leur prix unitaire respectif (article L.441-4 III du Code de commerce ; article 3 LD).

Ce principe s’accompagne de l’extension de l’interdiction de discrimination abusive aux PGC (pratique commerciale abusive), qui impose que toute différence de traitement (en ce compris l’obtention de prix, de délais de paiement, de conditions de vente ou d’achat) créant pour un partenaire un désavantage ou un avantage dans la concurrence  par rapport aux autres partenaires commerciaux se trouvant dans une même situation soit objectivement justifiée par des contreparties réelles (article L.442-1 du Code de commerce). Le principe du ligne à ligne permet de contrôler le respect de cette obligation.

A défaut, l’auteur de la pratique engage sa responsabilité délictuelle et peut en outre être condamné au paiement d’une amende civile dont le montant peut s’élever jusqu’à 5% du chiffre d’affaires hors taxes, réalisé en France (article L.442-4 du Code de commerce).

L’exigence de bonne foi dans la conduite des négociations

A compter du 1er avril 2023, la conduite des négociations de la convention devra satisfaire au principe de bonne foi (article L. 441-4, IV du Code de commerce), un principe pourtant déjà d’ordre public en vertu de l’article 1134 du code civil. Le non-respect de cette disposition, désormais élevée au rang de pratique restrictive de concurrence pour les PGC, est sanctionné par une amende d’un montant maximum de 375.000 euros, pour les personnes morales.

Par ailleurs, constitue désormais une pratique restrictive de concurrence le fait « de ne pas avoir mené de bonne foi les négociations commerciales conformément à l’article L. 441-4, ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d’un contrat dans le respect de la date butoir » (article L. 442-1, I, 5° du Code de commerce). L’auteur de la pratique s’expose au prononcé d’une amende civile, dont le montant peut s’élever jusqu’à 5% du chiffre d’affaires hors taxes, réalisé en France (article L.442-4 du Code de commerce).

Les conséquences en cas d’échec des négociations au 1er mars

En cas d’échec des négociations commerciales, à la date butoir du 1er mars (pour la première fois en 2024), le législateur a mis en place un dispositif expérimental d’une durée de trois ans, afin de remédier à l’insécurité juridique liée à l’absence d’accord.

En premier lieu, en l’absence d’accord au 1er mars, le fournisseura la faculté de choisir entre deux options :

  • rompre immédiate des relations commerciales, sans risque d’être condamné sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies (art. L.442-1, II du Code de commerce) ;
  •  demander au distributeur l’application d’un préavis conforme à l’article L.442-1, II du Code de commerce : d’une durée raisonnable au regard de la relation commerciale et en appliquant un prix « tenant compte des conditions économiques du marché ».

En deuxième lieu, les parties pourront choisir de saisir conjointement le médiateur (des relations commerciales agricoles ou celui des entreprises) pour essayer de conclure, avant le 1er avril, un accord fixant les conditions d’un préavis conforme à l’article L.442-1, II du Code de commerce (durée et prix).  Deux scénarios sont ainsi envisagés :

  • en cas d’accord, le prix convenu par les parties s’appliquera rétroactivement aux commandes passées, à compter du 1er mars jusqu’à la fin du préavis ;
  • en cas de désaccord, le fournisseur pourra toujours  exercer l’une des deux options ci-dessus.

En outre, l’article L.442-1, II du Code de commerce relatif à la rupture brutale de relations commerciales établies est modifié afin de préciser que le prix applicable pendant la période de préavis doit désormais « tenir compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties », telles que l’inflation et l’augmentation du coût des matières premières. Cette modification s’applique à tout secteur et tout produit ou service.

La sanction en cas de défaut de signature de la convention à la date butoir du 1er mars, pour les PGC est augmentée à la somme de 200.000 euros (pour une personne physique) et de 1.000.000 euros (pour une personne morale). Ces montants pourront être doublés en cas de réitération (article L.441-6, al. 3 du Code de commerce).

Points clés à retenir

  1. Les promotions appliquées compter du 1er mars 2024 par les distributeurs et les fournisseurs de PGC devront seront limitées à 34% du prix de vente consommateur par produit et à 25% de leur volume ou chiffre d’affaires annuel prévisionnel total ;
  2. Les distributeurs et les fournisseurs de PGC doivent justifier et détailler dans leur convention leurs obligations réciproques et leur prix unitaire, sous peine de voir leur responsabilité engagée, pour pratique commerciale abusive et discriminatoire ;
  3. Le manquement au principe de bonne foi dans la conduite des négociations commerciales portant sur les PGC constitue désormais une pratique restrictive de concurrence ;
  4. En cas d’échec des négociations à la date butoir du 1er mars, le fournisseur a le choix entre rompre la relation soit immédiatement soit en appliquant un préavis conforme à l’article L.442-1, II du Code de commerce, et tenter avec distributeur de conclure, devant un médiateur, avant le 1er avril, un accord fixant la durée du préavis et le prix de revente des produits pendant ce préavis.

L’assistance d’Altaïr Avocats

  • Rédaction et négociation des conventions annuelles, incluant les PGC ;
  • Mise en conformité des contrats au regard des nouvelles dispositions de la Loi Egalim 3 ;
  • Négociation précontentieuse de fin de contrats ou de relations commerciales, notamment au regard des pratiques restrictives de concurrence et de la date butoir du 1er mars;
  • Audits de conformité des politiques commerciales et tarifaires, au regard des règles de transparence tarifaire ;

Assistance et conseil dans le cadre des procédures contentieuses devant les autorités judiciaires et administratives.La loi Descrozaille du 30 mars 2023, n°2023-221 (ou loi « Egalim 3 ») ajoute de nombreuses dispositions au code de commerce visant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre les fournisseurs et distributeurs. Plusieurs de ces dispositions réforment le régime applicable aux produits de grande consommation (ci-après « PGC »), notamment en étendant aux PGC le champ d’application de certaines dispositions relatives aux produits alimentaires initialement issues des lois Egalim 1 et 2.

Les produits de grande consommation sont définis à l’article L.441-4 du Code de commerce comme « des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation ». Sont notamment concernés les boissons alcoolisées, les produits d’hygiène, d’entretien et de beauté, certains articles en papiers et les piles électriques, selon l’article D.441-1 du même Code.

L’encadrement des promotions

A compter du 1er mars 2024, les promotions appliquées sur les PGC seront limitées (i) à 34% du prix de vente au consommateur, par produit ; et (ii) à 25% en volume ou du chiffre d’affaires annuel global prévisionnel déterminé au contrat par les parties lors des négociations (articles 2 et 7 de la loi Descrozaille, ci-après « LD »).

Ce dispositif, qui existait déjà sous forme d’expérimentation pour les produits alimentaires, est prorogé jusqu’au 15 avril 2026.  L’encadrement prévu pour les produits alimentaires avait fait l’objet de lignes directrices de la DGCCRF, dont l’actualisation permettrait d’en préciser les conditions d’application aux PGC.

Le principe de « ligne à ligne » et l’interdiction de la discrimination abusive

A compter du 1er avril 2023, en application du principe du « ligne à ligne »,les distributeurs et les fournisseurs devront détailler dans leur conventionannuelle les obligations réciproques auxquelles ils s’engagent à l’issue de la négociation commerciale, ainsi que leur prix unitaire respectif (article L.441-4 III du Code de commerce ; article 3 LD).

Ce principe s’accompagne de l’extension de l’interdiction de discrimination abusive aux PGC (pratique commerciale abusive), qui impose que toute différence de traitement (en ce compris l’obtention de prix, de délais de paiement, de conditions de vente ou d’achat) créant pour un partenaire un désavantage ou un avantage dans la concurrence  par rapport aux autres partenaires commerciaux se trouvant dans une même situation soit objectivement justifiée par des contreparties réelles (article L.442-1 du Code de commerce). Le principe du ligne à ligne permet de contrôler le respect de cette obligation.

A défaut, l’auteur de la pratique engage sa responsabilité délictuelle et peut en outre être condamné au paiement d’une amende civile dont le montant peut s’élever jusqu’à 5% du chiffre d’affaires hors taxes, réalisé en France (article L.442-4 du Code de commerce).

L’exigence de bonne foi dans la conduite des négociations

A compter du 1er avril 2023, la conduite des négociations de la convention devra satisfaire au principe de bonne foi (article L. 441-4, IV du Code de commerce), un principe pourtant déjà d’ordre public en vertu de l’article 1134 du code civil. Le non-respect de cette disposition, désormais élevée au rang de pratique restrictive de concurrence pour les PGC, est sanctionné par une amende d’un montant maximum de 375.000 euros, pour les personnes morales.

Par ailleurs, constitue désormais une pratique restrictive de concurrence le fait « de ne pas avoir mené de bonne foi les négociations commerciales conformément à l’article L. 441-4, ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d’un contrat dans le respect de la date butoir » (article L. 442-1, I, 5° du Code de commerce). L’auteur de la pratique s’expose au prononcé d’une amende civile, dont le montant peut s’élever jusqu’à 5% du chiffre d’affaires hors taxes, réalisé en France (article L.442-4 du Code de commerce).

Les conséquences en cas d’échec des négociations au 1er mars

En cas d’échec des négociations commerciales, à la date butoir du 1er mars (pour la première fois en 2024), le législateur a mis en place un dispositif expérimental d’une durée de trois ans, afin de remédier à l’insécurité juridique liée à l’absence d’accord.

En premier lieu, en l’absence d’accord au 1er mars, le fournisseura la faculté de choisir entre deux options :

  • rompre immédiate des relations commerciales, sans risque d’être condamné sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies (art. L.442-1, II du Code de commerce) ;
  •  demander au distributeur l’application d’un préavis conforme à l’article L.442-1, II du Code de commerce : d’une durée raisonnable au regard de la relation commerciale et en appliquant un prix « tenant compte des conditions économiques du marché ».

En deuxième lieu, les parties pourront choisir de saisir conjointement le médiateur (des relations commerciales agricoles ou celui des entreprises) pour essayer de conclure, avant le 1er avril, un accord fixant les conditions d’un préavis conforme à l’article L.442-1, II du Code de commerce (durée et prix).  Deux scénarios sont ainsi envisagés :

  • en cas d’accord, le prix convenu par les parties s’appliquera rétroactivement aux commandes passées, à compter du 1er mars jusqu’à la fin du préavis ;
  • en cas de désaccord, le fournisseur pourra toujours  exercer l’une des deux options ci-dessus.

En outre, l’article L.442-1, II du Code de commerce relatif à la rupture brutale de relations commerciales établies est modifié afin de préciser que le prix applicable pendant la période de préavis doit désormais « tenir compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties », telles que l’inflation et l’augmentation du coût des matières premières. Cette modification s’applique à tout secteur et tout produit ou service.

La sanction en cas de défaut de signature de la convention à la date butoir du 1er mars, pour les PGC est augmentée à la somme de 200.000 euros (pour une personne physique) et de 1.000.000 euros (pour une personne morale). Ces montants pourront être doublés en cas de réitération (article L.441-6, al. 3 du Code de commerce).

Points clés à retenir

  1. Les promotions appliquées compter du 1er mars 2024 par les distributeurs et les fournisseurs de PGC devront seront limitées à 34% du prix de vente consommateur par produit et à 25% de leur volume ou chiffre d’affaires annuel prévisionnel total ;
  2. Les distributeurs et les fournisseurs de PGC doivent justifier et détailler dans leur convention leurs obligations réciproques et leur prix unitaire, sous peine de voir leur responsabilité engagée, pour pratique commerciale abusive et discriminatoire ;
  3. Le manquement au principe de bonne foi dans la conduite des négociations commerciales portant sur les PGC constitue désormais une pratique restrictive de concurrence ;
  4. En cas d’échec des négociations à la date butoir du 1er mars, le fournisseur a le choix entre rompre la relation soit immédiatement soit en appliquant un préavis conforme à l’article L.442-1, II du Code de commerce, et tenter avec distributeur de conclure, devant un médiateur, avant le 1er avril, un accord fixant la durée du préavis et le prix de revente des produits pendant ce préavis.

L’assistance d’Altaïr Avocats

  • Rédaction et négociation des conventions annuelles, incluant les PGC ;
  • Mise en conformité des contrats au regard des nouvelles dispositions de la Loi Egalim 3 ;
  • Négociation précontentieuse de fin de contrats ou de relations commerciales, notamment au regard des pratiques restrictives de concurrence et de la date butoir du 1er mars;
  • Audits de conformité des politiques commerciales et tarifaires, au regard des règles de transparence tarifaire ;

Assistance et conseil dans le cadre des procédures contentieuses devant les autorités judiciaires et administratives.

Intervention de Christophe Héry à la Conférence annuelle de l’International Distribution Institute (IDI)

Ce panel sera présidé par Dr. H. Ercüment Erdem, Erdem & Erdem Law Office, expert IDI Turquie « agency and distribution » et constitué également de Pascal Hollander, Hanotiau & van den Berg, expert IDI Belgique “franchising” et par Dr. Stephan Jäger, Jaeger Heintel, expert IDI Arabie Saoudite “agency and distribution”

La conférence réunira à Bologne (8 / 10 juin) plus de 100 praticiens du droit de la distribution.

En savoir plus, cliquez ici.

Déséquilibres contractuels : Nouvelles précisions sur l’étendue du contrôle et des sanctions

Selon l’article L.442-1 I 1° du code de commerce, l’avantage sans contrepartie est défini comme le fait « d’obtenir ou de tenter d’obtenir de l’autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie », tandis que le déséquilibre significatif suppose « De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (article L. 442-1 I 2° du code de commerce). 

Le contrôle judiciaire du prix contractuel : entre avantage sans contrepartie et déséquilibre significatif 

Dans un arrêt du 11 janvier 2023 (n°21-11.163, publié au Bulletin), la chambre commerciale de la Cour de cassation censure une décision de cour d’appel qui avait refusé de contrôler sur le fondement l’avantage sans contrepartie une remise du prix systématique fondée sur le crédit d’impôt accordé au cocontractant ainsi qu’un escompte appliqué automatiquement sur des factures pourtant réglées avec retard, au motif que seule l’existence d’un déséquilibre significatif permettrait le contrôle judiciaire du prix. Selon la cour d’appel, le déséquilibre significatif impliquant d’apporter la preuve d’une « soumission ou d’une tentative de soumission » d’une partie, le prix obtenu sous une telle contrainte n’aurait alors « pas fait l’objet d’une libre négociation ».

La Haute juridiction prend le contrepied de cette décision et constate que « l’application de l’article L. 442-6, I, 1° (désormais 442-1, I, 1e), du code de commerce exige seulement que soit constatée l’obtention d’un avantage quelconque ou la tentative d’obtention d’un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage ». En conséquence, l’avantage qui est contrôlé judiciairement sur le fondement de l’avantage sans contrepartie peut être le prix contractuel d’une vente ou d’une prestation (sans contrepartie ou disproportionné), et ce, y compris s’il a été librement négocié par les parties.

La charge probatoire nécessaire pour engager avec succès une action fondée sur l’avantage sans contrepartie est donc réduite par rapport à une action fondée sur le déséquilibre significatif car dans la première il n’est pas obligatoire de prouver que le contrat n’a pas fait l’objet d’une libre négociation. 
Les sanctions du déséquilibre significatif et de l’avantage sans contrepartie
Traditionnellement, la victime d’une pratique restrictive de concurrence peut solliciter du juge :

  • la réparation de son préjudice, en engageant la responsabilité délictuelle de l’auteur de la pratique créant un déséquilibre significatif (article L.442-1, I, 2° du Code de commerce) ;
  • la cessation des pratiques, sous astreinte, 
  • la nullité des clauses ou du contrat illicite(s) et 
  • la restitution des avantages indument perçus par son cocontractant (article L.442-4 du Code de commerce).

Dans une série de 7 arrêts rendus le 8 février 2023 (n° 20/01748, 20/01712, 20/04558, 20/04557, 20/04561, 20/04545, 20/01706), la cour d’appel de Paris s’est prononcée sur l’application effective de ces sanctions en cas de « déséquilibre significatif ».  Ces sanctions pourraient aussi être applicables aux cas de contrôle du prix contractuel sous l’angle de l’avantage sans contrepartie.

Ces procédures faisaient suite au prononcé de la nullité de clauses de résiliation et d’intuitu personae du contrat de franchise (type) du réseau « Pizza Sprint » et de la cessation de la pratique résultant de l’application de la clause d’approvisionnement minimum ordonnée sur le fondement du déséquilibre significatif par la cour d’appel de Paris, préalablement saisie par le Ministre de l’économie (CA. Paris., 5 février 2022, n°20/00737, voir actualité Altair Avocats, mars 2022). Les franchisés, tirant les conséquences de la nullité de ces clauses, ont sollicité l’annulation du contrat de franchise (cette nullité présentant l’intérêt d’obtenir la restitution des redevances versées au franchiseur), et à titre subsidiaire, la résiliation du contrat aux torts du franchiseur.

Dans ces différents arrêts, la cour d’appel :

  • refuse de prononcer l’annulation du contrat de franchise (certaines actions étant en outre prescrites), considérant que les franchisés n’ont « pas démontré en quoi ces clauses [qui avaient été annulées pour déséquilibre significatif] étaient essentielles au contrat de franchise ou que leur suppression était de nature à bouleverser l’économie du contrat » ;
  • considère que la clause d’approvisionnement et de stock minimum, dont l’exécution combinée les assimilait à une clause d’approvisionnement exclusif (annulée par la cour le 5 février 2022), s’analyse comme constituant une « exécution déloyale du contrat » de nature à engager la responsabilité contractuelle (et non délictuelle) du franchiseur sur le fondement du déséquilibre significatif. Partant, elle prononce la résiliation du contrat de franchise, aux torts exclusifs du franchiseur ;
  • indemnise les franchisés, s’agissant du déséquilibre significatif, notamment au titre du surcoût lié à la mise en œuvre fautive de la clause d’approvisionnement, évalué à 15% des achats effectués auprès du fournisseur du réseau.

Les sanctions prononcées par la cour d’appel pourraient probablement, dans certains cas, s’appliquer aussi aux sanctions attachées au contrôle judiciaire du prix sur le fondement de l’avantage sans contrepartie.

Points clés à retenir 

  1. Le contrôle judiciaire du prix convenu dans un contrat commercial est possible sur le fondement du déséquilibre significatif mais également sur celui de l’avantage sans contrepartie, dont la charge probatoire est moindre. 
  2. Une clause créant un déséquilibre significatif peut avoir pour conséquence l’annulation du contrat uniquement si cette clause est essentielle au contrat ou si sa suppression bouleverse l’économie du contrat.
  3. Une clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties peut aussi être analysée, dans certains cas, comme une exécution déloyale du contrat, de nature à engager la responsabilité contractuelle de son auteur et non sa responsabilité délictuelle.
  4. Le contrôle judiciaire du prix sur le fondement de l’avantage sans contrepartie pourrait, selon le même raisonnement, donner lieu à l’annulation du contrat ou à l’engagement de la responsabilité contractuelle des cocontractants ayant bénéficié de cet avantage.

L’assistance d’Altaïr Avocats

  • Rédaction et négociations de contrats de fourniture et d’approvisionnement ;
  • Négociation précontentieuse de fin de contrats ou de relations commerciales notamment au regard des pratiques restrictives de concurrence ;
  • Conformité des politiques commerciales et tarifaires au regard des règles de transparence tarifaire ; 
  • Assistance et conseil dans le cadre de procédures contentieuses devant les autorités judiciaires et administratives au regard des pratiques restrictives de concurrence.

Fin du contrat d’agent commercial et indemnisation de l’agent

1. Modalités de fin du contrat d’agent et impact sur le droit à l’indemnité de fin de contrat

La loi française reconnaît (art. L 134–12 Code com) à l’agent commercial un droit à une indemnisation compensatrice du préjudice subi par l’agent en cas de cessation des relations avec le mandant. Mais ce droit à indemnité est écarté (art. L 134-13 Code com) dans les cas suivants :

  • en cas de résiliation par le mandant pour faute grave de l’agent commercial ;
  • en cas de résiliation par l’agent, sauf si elle est justifiée par des circonstances imputables au mandant ou si elle est due à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée.

La jurisprudence récente a précisé les conditions de mise en œuvre de ces exceptions et dont les conséquences pratiques sont peut-être encore difficiles à cerner avec précision.

Une faute grave de l’agent non mentionnée par le mandant dans sa lettre de rupture ne peut pas être invoquée ultérieurement pour nier le droit à indemnité

Il était déjà reconnu par la jurisprudence que le comportement d’un agent commercial ne peut être qualifié de faute grave privative du droit à indemnité, si le mandant bien qu’ayant eu connaissance de ce comportement avant la rupture, ne l’a pas mentionné comme faute grave dans le courrier de rupture. 

S’agissant de la faute grave découverte après la notification de rupture, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence (16 novembre 2022, n° 21–17.423, aff. Acopal) en jugeant que la découverte, après la notification de fin de contrat, d’une faute commise par l’agent commercial ne peut pas priver celui-ci de son droit à indemnité, car c’est le courrier de rupture qui fige les motifs invoqués par le mandant et donc les conditions d’attribution de l’indemnité.

Le mandant pourra quand même réclamer des dommages et intérêts au titre de cette faute grave connue postérieurement à la lettre de rupture. Mais il faudra scruter la jurisprudence ultérieure pour voir si les tribunaux accordent au mandant, plus ou moins automatiquement, des dommages intérêts équivalent à l’indemnité de fin de contrat, ou s’il sera exigé du mandant qu’il rapporte la preuve de la réalité d’un préjudice subi et d’un lien de causalité entre la faute de l’agent et son préjudice. 

La fin de contrat notifiée par l’agent commercial fige le régime de l’indemnité de fin de contrat

Le mercredi 16 novembre 2022 était décidément une journée noire pour les mandants puisque la Cour de cassation a rendu le même jour un second arrêt qui vient fragiliser la position du mandant et renforcer le droit de l’agent commercial d’obtenir une indemnité de fin de contrat.

Dans cette seconde affaire (16 novembre 2022, n° 21.10.126, aff. SBA Vins), un agent commercial avait mis fin au contrat au tort de son mandant, et le mandant avait réagi en invoquant une faute grave de son agent (représentation de concurrents). Alors que les fautes étaient de part et d’autre prouvées, la cour de cassation a refusé d’écarter le droit à indemnité de fin de contrat, réclamé par le mandant au titre de la faute grave de l’agent, au motif que le contrat avait été rompu à l’initiative de l’agent commercial qui justifiait cette rupture par une faute préalable de son mandant, et que « l’éventuelle commission d’une faute grave par l’agent commercial était sans incidence sur son droit » à indemnité de fin de contrat. La Cour de cassation fait une lecture très formelle de la portée de la notification de fin de contrat : c’est cette notification qui pose le régime juridique de la détermination de l’indemnité de fin de contrat, indépendamment de la preuve ultérieure d’une faute grave de l’agent commercial.

L’impact pratique de cet arrêt, s’il venait à être confirmé par d’autres décisions, peut être considérable, car il semble donner une prime à celui qui prend l’initiative, formelle, de notifier la fin du contrat d’agent. 

Pour résumer la potentielle portée pratique des deux arrêts du 16 novembre 2022 :

  • si le mandant notifie la fin du contrat sans mentionner une faute grave (connue, ou pas, au jour de cette notification) : il ne pourra pas invoquer plus tard cette faute grave pour nier à l’agent commercial un droit à indemnité ;
  • si l’agent commercial notifie la fin du contrat, en prouvant que cette rupture est justifiée par une faute antérieure du mandant, son droit à indemnité de fin de contrat sera acquis, même si le mandant arrive de son côté à prouver que l’agent avait commis une faute grave.

2. Détermination du montant de l’indemnité de fin de contrat 

Alors que la directive CE de 1986 et l’article L. 134–12 du code de commerce posent clairement un principe d’indemnisation du préjudice subi par l’agent commercial, les juridictions françaises persistent à accorder quasi uniformément à l’agent commercial une indemnisation de fin de contrat égale (en général) à deux années de commission brute, calculée sur la moyenne des trois dernières années, et ce, sans imposer à l’agent de rapporter la preuve de la réalité de son préjudice, ni la preuve du lien de causalité entre la rupture du contrat et son préjudice.

La Cour de cassation a jugé dans l’arrêt du 16 novembre 2022 précité que cette indemnité ne doit pas être réduite du montant des commissions que l’agent commercial a continué à percevoir, après la fin du contrat, au titre de la prospection pour le compte d’un nouveau mandant, de la clientèle qu’il avait apportée au mandant dont le contrat a pris fin.

A l’inverse, il faut souligner l’arrêt rendu par la CJUE le 13 octobre 2022 (C 593/21, aff. NY c/ Herios) qui a jugé que l’indemnité normalement due par l’agent à ses sous-agents pouvait être écartée, au nom de l’équité, notamment dans l’hypothèse où le sous agent poursuit son activité avec le mandant principal. Ce principe d’équité et une lecture plus rigoureuse de la Directive de 1986 (art. 17.3) doivent aussi conduire à considérer qu’un agent, dont le sous-agent continue directement la relation avec le mandant, ne peut inclure dans l’assiette de son indemnité de fin de contrat demandée au mandant, la quote-part qui devrait revenir à son propre sous-agent.

Cette volonté de (trop ?) protéger l’agent commercial et son indemnité de fin de contrat, se traduit encore par l’arrêt rendu par la Cour de cassation, le 28 septembre 2022 (n° 21–12.292, aff. Seafoodia). La Cour a en effet jugé d’un côté que le mandant pouvait valablement résilier par anticipation un contrat d’agent à durée déterminée, sans que cela ne soit constitutif d’une faute et de l’autre côté que l’indemnité de fin de contrat devait quand même être calculée au regard du terme initial du contrat.

Mais cette combinaison par la Cour suprême des règles de droit commun des contrats (possibilité de mettre fin à un contrat à durée déterminée, sans faute) et de la règle spéciale du contrat d’agent commercial (indemnité compensatrice de fin de contrat) n’emporte pas l’adhésion. Non seulement elle est en contradiction avec la première partie du raisonnement autorisant le mandant à résilier par anticipation, et sans faute, le contrat avant son terme mais de surcroît elle est en rupture avec le mode classique de calcul de l’indemnité qui consiste à prendre en compte la moyenne des commissions passées, et non à extrapoler sur les commissions futures. Là encore, il faudra vérifier, au cours des prochaines années, si cette position de la Cour de cassation est appliquée par les juges du fond (et comment). 

L’arrêt du 19 octobre 2022 de la Cour de cassation (ch. com. N°21–20. 680, aff. VG Sport) rappelle que lorsque le mandant prouve une faute grave commise par l’agent commercial, cette faute grave, non seulement exclut le principe de l’indemnité de fin de contrat, mais également autorise le mandant à solliciter une condamnation de l’agent à des dommages intérêts pour l’indemniser du préjudice qu’il a subi ; a minima si la faute n’est pas grave les dommages-intérêts alloués se compenseront avec l’indemnité de l’agent. 

Enfin, et même si cela n’a pas de relation directe avec le calcul de l’indemnité de fin de contrat, la solution dégagée par la CJUE dans son arrêt du 13 octobre 2022 (n° 64/21, aff. Rigall Arteria) mérite d’être signalée, même si elle se déduisait déjà des articles L134-6 et 134-16 du code de commerce français. 

La CJUE affirme que le droit à commission de l’agent sur des ventes « répétées » (c’est-à-dire une vente « conclue avec un tiers que l’agent commercial a préalablement acquis comme client pour des opérations de même nature ») peut être écarté par le contrat d’agent. Cet aménagement contractuel (qui peut aussi prendre la forme d’une commission à taux minoré ou plafonnée) aura nécessairement un impact mécanique et futur sur le calcul de l’assiette de l’indemnité.

3. Détermination de la faute grave de l’agent, exclusive de l’indemnité 

Selon la jurisprudence française, la faute grave de l’agent commercial est celle qui « porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et ce faisant qui rend impossible le maintien du lien contractuel entre le mandant et son agent commercial ». Par exemple, le dénigrement des produits du mandant, le détournement de commandes au profit d’un autre mandant, la violation d’un engagement de non-concurrence ou encore le désintérêt manifeste ou récurrent de l’agent commercial pour sa mission de prospection peuvent constituer autant de faute grave. À l’inverse, le non-respect d’un objectif de génération de chiffre d’affaires ne constitue pas en lui-même une faute grave.

Récemment, les juridictions françaises ont jugé que pouvait constituer une faute grave, l’absence d’information du mandant par l’agent commercial de son changement d’actionnaire (Cour cass. 29 juin 2022, n° 20.11.952, aff. Signa Deco), ou encore l’absence d’information par l’agent de son changement de gérant (Cour cass. 29 juin 2022, n°20. 13.228, aff. Bystronic France). Ces deux cas confirment également que le mandant a intérêt à stipuler de telles obligations de notification dans le contrat d’agent. 

Constitue aussi une faute grave le fait pour un agent commercial de modifier les codes d’accès au site web de son propre mandant et de le mettre en maintenance de façon abusive (Cour cass. 19 octobre 2022 précitée).

Enfin, il sera rappelé que la tolérance du mandant en présence d’une faute grave de l’agent commercial peut conduire à une double sanction : d’une part, il ne pourra pas invoquer la faute grave pour nier le droit à indemnité et d’autre part, il ne pourra pas solliciter de dommages intérêts en réparation de cette faute grave.  Le mandant a donc tout intérêt à stipuler une clause de non-tolérance et de non-renonciation et surtout à exercer une gestion suivie de sa relation avec son agent commercial pour réagir au bon moment. 

Points clefs à retenir 

  • Le mandant doit vraiment se poser la question du choix du schéma contractuel de promotion : agent commercial ou autres schémas contractuels (voir ici notre article sur Legalmondo).
  • Le contrat d’agent doit être préparé et rédigé très précisément pour définir les obligations de l’agent commercial dont le non-respect pourra favoriser la qualification d’une faute grave excluant le droit à indemnité.
  • La mise à disposition par le mandant de son fichier clients/prospects peut être valorisée et faire l’objet d’une rémunération payée par l’agent, différée jusqu’à la fin du contrat et se compensant avec l’éventuelle indemnité.
  • Dans l’hypothèse où la relation se dégrade avec l’agent, le mandant doit être proactif et déterminer très vite s’il doit être le premier à prendre l’initiative de la rupture de la fin du contrat en invoquant une faute grave de son agent.

L’assistance d’Altaïr Avocats

  • Négociation et rédaction de contrat d’agent commercial ;
  • Mise en place et restructuration de réseau d’agents commerciaux ;
  • Aide à la sélection du schéma contractuel de promotion le plus adapté ;
  • Audit de contrats d’agent ;
  • Négociations précontentieuses et conciliation ;
  • Assistance et représentation dans le cadre de procédures contentieuses et arbitrales, françaises et internationales.

Bonjour,

 

Nous vous remercions pour votre message dont nous accusons bonne réception.

Nous reviendrons vers vous dans les meilleurs délais.

 

Bien sincèrement,

Altaïr Avocats